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  • Photo du rédacteurAlexandre Salcède

Strike a pose




Jolis jolis monstres a des allures de Chroniques de San Francisco : Julien Dufresne-Lamy y esquisse une fresque ambitieuse sur la communauté queer aux Etats-Unis, des années 80 à aujourd’hui, de Los Angeles à New York en passant par Atlanta. Un regard tendre, émouvant et poétique sur deux générations que séparent la révolution numérique et le sida.


Leur rencontre a lieu dans un bar new-yorkais. James, afro-américain, la soixantaine, est accoudé au bar derrière lequel le jeune Victor Santiago officie. Quelque chose en eux de puissant et de mystérieux comme l’inconscient ou le destin va les pousser l’un vers l’autre. L’aîné se raconte alors : lorsqu’il avait l’âge du serveur, il a été un personnage de premier plan de la scène drag, connu sous le nom de Lady Prudence. Victor l’écoute attentivement, car sous la peau dure du père de famille, derrière les cicatrices de l’ancien membre d’un gang, le sang de Mia de Guadalajara déjà bout.


Mother Prudence va alors accepter de former sa nouvelle fille à l’art de créer son propre monstre, à dépasser ses appréhensions, à accepter qui elle est. Ce roman est donc celui d’une transmission, d’une passation de témoin. Et le lecteur apprend, comme Victor-Mia, tout ce qu’il faut savoir sur l’histoire mythique des grandes figures de l’époque. On croise en effet tout au long de ces pages une faune fabuleuse de queens, d’artistes, d’activistes, de prostituées, de meurtriers, de chanteuses, d’enfants drags qui ont marqué l’histoire de la communauté et ont contribué, chacun à leur manière, à la grande lutte pour que chacun puisse vivre sa sexualité et exprimer ses singularités librement. Ce livre nous rappelle que le combat n’est pas terminé, que partout dans le monde, la sécurité et la liberté des personnes LGBTQ demeurent précaires.


Julien Dufresne-Lamy signe donc un manifeste pour la différence et se fait le chantre de la beauté de ces jolis monstres avec beaucoup de sensibilité et d’humour. Impossible de ne pas rire devant la repartie redoutable de Mia et de ses amies qui s’affrontent joyeusement à coups de répliques assassines, de concours de chant et de voguing. C’est un livre-hommage à toutes ces personnes qui ont retourné les insultes de queer et de monstre qui leur étaient crachées au visage en revendication, en fierté. Qui ont su transformer la violence en amour, et ériger la marginalité en fête, malgré l’hécatombe du sida. Il nous exhorte enfin à ne pas oublier que si le genre se construit et se déconstruit, l’identité, elle, s’invente et se réinvente. A l’infini.




Julien Dufresne-Lamy, Jolis jolis monstres, Belfond

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